Life is not a Picnic
AYUDANOS
Un appel à témoins.
En 2019 Je me trouvais à Bogota, Place Bolivar, devant une manifestation. Il y avait là des proches de disparus qui demandaient de l’aide aux autorités, avec l’espoir de retrouver les leurs. Certains tenaient une pancarte avec le nom de leur disparu et un n° de téléphone lancé comme une bouteille à la mer.
Le gouvernement reste indifférent à ces appels.
Ce sont les frères, épouses, mères, enfants, proches... 80 à 100 000 victimes, disparitions forcées depuis le début du conflit armé en 1964. Depuis plus de 50 ans, une personne « s’évapore » toutes les 5 heures en moyenne, laissant leurs proches endurer la torture de leur absence et de leurs questions sans réponses, sans deuil possible.
Touché par la situation et le contexte, un déclic m’a porté à soutenir et tenter d’aider concrètement ces personnes.
Une chanson qui entre dans les maisons pour être entendue et soutenir, une chanson qui voyage dans le temps et l’espace, qui parcourt les territoires et tente d’éveiller les consciences, délier les paroles. Une chanson dont le but est de toucher, d’interpeller les témoins oculaires et bourreaux, a répondre à cet appel. AYUDANOS. Une chanson qui se propage et se perpétue.
La chanson dit : « Vous qui savez, aidez nous à faire notre deuil, aidez nous a effacer les noms de cette liste ».
Le refrain offre la possibilité de chanter les noms de chaque disparu, son métier, son âge, son territoire.
Ainsi la chanson se déploie autant de fois qu’il y a d’appel et devient une liste de noms portée par le rythme et la mélodie, destinée à mobiliser les témoins et devenir un hymne populaire.
Le projet suscite rapidement l’intérêt de partenaires colombiens et français engagés dans le processus de paix et d’acteurs locaux d’éducation populaire. Citons notamment la fondation Enfances 232, de nombreux établissements scolaires et universitaires, l’alliance française de Pereira, l’Ecole de la paix, la commission de la vérité… Grâce à cette collaboration, plus de 800 dessins d’enfants ont été réalisés à partir de portraits de disparus. Ils mettent en images ces absences si présentes et obsédantes. Ces images constitueront le fil conducteur de la réalisation d’un film .
Le sujet des disparus reste un tabou aujourd’hui en Colombie. Toute personne osant livrer des informations « gênantes » s’expose à des intimidations, menaces, voire pire, sur elles-mêmes et ses proches. La méfiance est souvent trop forte, y compris vis-à-vis d’organes officiels colombiens.
En tant qu’organisation française, nous nous proposons de recevoir les témoignages et informations, que nous transmettrons ensuite aux ONG colombiennes compétentes. Nous espérons que cette procédure passant par un tiers neutre et un média artistique, lèvera les réticences des témoins, puisqu’elle garantit leur anonymat.
Un site internet basé en France, ayudanos.fr est en cours d’élaboration. Il proposera de déposer simplement un nom et des coordonnées GPS du lieu où le corps serait enfoui. Nous sommes conscients que ce projet comporte une part d’utopie, mais si une seule personne est retrouvée suite à un témoignage suscité par cette chanson et ce dispositif, cela sera pour nous une immense victoire.